Victor Hugo a tout juste vingt-neuf ans lorsqu'il publie en 1831 Notre-Dame de Paris. Bien qu'écrit dans l'urgence en six mois pour Charles Gosselin, éditeur, qui lui demanda « un roman à la mode de Walter Scott », le roman connut un très grand succès et le personnage d'Esmeralda donna lieu à plusieurs opéras, des poèmes, des sculptures et plusieurs tableaux de Salon dès les années 1830.
Esmeralda est un sujet qui fut repris plusieurs fois au XIXe et jusqu'au début du XXe siècle (notamment par Auguste Renoir, Octave Tassaert, Lionel Royer, Olivier Merson).
L'exotisme, la beauté et le jeunesse sont autant de thèmes qui se retrouvent chez Esmeralda, cette jeune gitane de seize ans qui se produisait dans les rues de Paris faisant des tours avec sa chèvre Djali.
Au Salon de 1839, Charles de Steuben eut beaucoup de succès avec son Esméralda (Musée des beaux arts de Nantes). Il présenta également au Salon de 1841 un second tableau « La Esméralda – A son réveil, elle donne une leçon de danse à sa chèvre Djali » (photo ci-dessus)(tableau aujourd'hui disparu dont il reste l'estampe et une esquisse). Cela est dû notamment au modèle de toute beauté que le peintre prit pour ses compositions, la fameuse « Marix », de son vrai nom Joséphine Bloch (Marix est le prénom de son père, sans doute choisi pour se distinguer face à la concurrence nombreuse à l'époque des autres modèles juives)(photo ci-dessus : Portrait de Marix par Ary Scheffer).
C'est avec Joséphine et quelques autres que naît dans les années 1820/1830 le mythe de « la belle Juive» !
Pour Joséphine, modèle est un métier de famille, ses deux sœurs et ses quatre frères sont également modèles. Et elle le prend au sérieux. On raconte qu'elle n'hésitait pas à gifler qui s'aventurait à prononcer devant elle des paroles trop grivoises. Modèle entre 1838 et 1845, elle vit la vie de bohème des membres de l'hôtel Pimodan (actuel hôtel Lauzun au 17 quai d'Anjou sur l'île Saint-Louis à Paris) et les soirées du « club des Haschischins » avec Théophile Gautier, Fernand Boissard et Charles Baudelaire (qui a sa chambre au dernier étage). Joséphine a alors entre quinze et vingt-deux ans. Elle pose d'abord pour Ary Scheffer, puis Charles de Steuben et Paul Delaroche. En 1845 elle se définit comme 'fleuriste et ancien modèle » et s'installe avec le peintre Fernand Boissard jusqu'en 1847. Elle rencontre un an plus tard le baron Herman von Ahlefeld, secrétaire à l'ambassade du Danemark, et elle se marie avec lui en 1851. Elle part s'installer dans son château du Schleswig-Holstein et Théophile Gautier qui va lui rendre visite en 1858, retrouve une femme du monde qui lui fait la visite de la propriété et lui raconte l'histoire de la famille de son mari comme si c'était la sienne. Son mari était mort en 1855 mais elle restera au Danemark vingt ans encore pour élever ses quatre filles. Elle retourne à Paris vers 1876 et meurt au champ de courses d'Auteuil en 1891.
Ce mythe naissant de « la belle Juive » rencontre heureusement le personnage oriental, romantique et séduisant d'Esmeralda ! Esmeralda dans le roman de Victor Hugo, est une gitane qui se produit sur la scène des rues de Paris mais elle est en même temps une jolie jeune femme française qui a été échangée à l'âge de un an avec Quasimodo !
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